Je relate ici (un peu tardivement) un voyage que j'ai fait en janvier de cette année dans le sud des provinces du Gansu et du Shaanxi avec l'association humanitaire "Les enfants de Madaifu - 马大夫之家". Je ne vais pas me substituer à cette association pour décrire en long et en large le concept d'"orphelinat hors les murs" qu'elle a développé avec succès et qui, de façon efficace et positive, soutient la scolarisation d'enfants orphelins recueillis par des proches qui n'ont malheureusement pas les moyens de les envoyer à l'école, voire même de les nourrir et les habiller. Je vous invite à vous rendre sur le site de l'association : www.madaifu.org
Sud du Gansu et du Shaanxi (voir les croix rouges)
Dans les montagnes du sud du Gansu 甘南 et du Shaanxi 陕西
Il y a des villages... On accède encore à certains par des chemins de terre, mais plus pour longtemps. Les routes, au fil des années, ont été carrossées et, surtout, les villages sont petit à petit déplacés le long d'axes routiers au bas de la montagne. Cette pratique relève de la volonté du gouvernement chinois d'urbaniser tout le pays. Les paysans doivent donc, petit à petit, emménager dans des villages neufs, aux maisons de béton, construites le long de routes goudronnées tracées au cordeau. C'est plus pratique pour rejoindre la ville, cela rend les paysans plus accessibles (et ainsi plus faciles à contrôler), mais l'âme des villages est en train de disparaître.
La population des villages comprend essentiellement des personnes âgées qui cultivent la terre, élèvent des poules, des porcs, des chèvres et des moutons. Elles s'occupent de leurs petits-enfants dont les parents travaillent dans les villes, quelquefois à l'autre bout du pays. Les enfants en âge d'aller au collège ou au lycée sont en pension dans les petites villes alentour et retournent chez eux en fin de semaine et pour les vacances. Pas tous ne vont jusqu'au lycée. Un grand nombre se met au travail... ils se font manoeuvres sur des chantiers, serveurs dans les restaurants des grandes villes, vont grossir la population des mingong 民工, les migrants, et ne rentrent plus au village, où plus tard ils confieront leur progéniture à leur parents, que pour le nouvel an chinois.
Les maisons d'adobe abandonnées retournent lentement à la nature.
Et la population déplacée dans les maisons de béton des nouveaux villages tente d'y trouver ses marques.
Les murs de béton se prêtent mieux que ceux d'adobe à la propagande gouvernementale
Anciennes ou neuves les maisons sont toujours bâties sur le même modèle : à l'intérieur de trois corps de bâtiments contenant chacun une seule pièce, une grande cour pour stocker le bois, les briques, du bric-à-brac et y abriter les poules et les cochons... Les maisons modernes avec des cours tout en carreaux et béton s'y prêtent moins bien.
Une parabole solaire pour chauffer l'eau offerte par la commune
Une machine pour fabriquer les nouilles (la base de l'alimentation dans les deux régions est la nouille de blé).
Les portes des maisons sont recouvertes d'un tissu. Les portes étant tout le temps ouvertes, le rideau de tissu arrête le froid et les insectes.
Les bandes de papier le long des montants des portes sont les "duilian 对联", des sentences porte-bonheur que l'on colle au moment du nouvel an chinois.
Les personnages sur les portes sont les "menshen 门神 les dieux des portes", qui assurent la protection de la maison.
A l'intérieur de la maison, le kang 炕, est la pièce maîtresse. C'est une plateforme de brique chauffée de l'intérieur par un conduit venant d'un feu ou d'un poêle. C'est le seul lieu chauffé de la maison. Sur cette plateforme, on mange, on y reçoit les visiteurs et, le soir venu, toute la famille déroule des couettes et s'installe dessus pour dormir.
Le second élément important est l'autel des ancêtres qui se réduit maintenant le plus souvent à des calligraphies, quelques fruits et des photos des ancêtres. Mao Zedong - 毛泽东 y fait aussi quelquefois bonne figure.
Xi Jingping 习近平 et son épouse Peng Liyuan 彭丽媛 sont aussi à l'honneur sur les murs mais n'ont pas droit à l'autel des ancêtres.
On affiche aussi les bonnes notes des élèves de la famille.
Le papier journal protège les murs de l'humidité et on emballe dans des sacs en plastique ce que l'on ne veut pas qui soit mangé par les rats.
Les murs recueillent aussi les souvenirs et les objets favoris.
Dans le coin cuisine, un portrait du dieu des cuisines "一家之王 le roi de la maisonnée"
Une machine à fabriquer les nouilles
La fleur de l'âge. Ils vont au collège, au lycée, à l'université et grandissent maintenant en ville, loin du village qui les a vus naître. Ils sont devenus très différents des grands-parents ou parents qui les ont élevés et quitteront un jour leur village pour toujours. Si je les ai rencontrés c'est qu'ils étaient rentrés chez eux pour le nouvel an chinois.